Consommer Moins, Pour Vivre Mieux
Consommer moins et vivre autrement

Consommer Moins, Pour Vivre Mieux

Un nouveau jean ? L’iPhone 12 ? Un mug chaton ? Les choses nous rendent heureux un temps. Puis on s’y habitue. Jusqu’à ce qu’on en veuille de nouvelles, encore meilleures.

Et ainsi de suite. Selon un sondage Ouistock et OpinionWay mené en 2015, 77 % des Français avouent stocker des objets inutiles.

Comme une réponse à ce nœud gordien, le minimalisme, mode de vie qui consiste à se satisfaire de l’essentiel, est revendiqué par de plus en plus de consommateurs. Et les deux mois de confinement imposés par l’épidémie du coronavirus au printemps dernier semblent avoir accéléré cette tendance.

Pendant cette période, 46 % des personnes interrogées se sont dites prêtes à consommer moins qu’avant (OpinionWay pour Sofinco).

« Dans les moments de crise, pour rendre acceptable la situation, les individus se projettent dans une vie d’après modifiée, plus positive », analyse Fanny Parise, docteure en socio-anthropologie à l’Université Sorbonne Paris Cité. « Cela devient une pratique de réassurance, on peut maîtriser sa vie lorsque l’évolution de la société fait peur et qu’on a l’impression de perdre le contrôle.

Ce n’est plus une fin en soi de consommer mais cela devient un moyen d’atteindre un mode de vie ou même un idéal politique. Une personne minimaliste n’arrête pas de consommer mais les objets qu’elle va acquérir auront beaucoup plus de sens pour elle. »

L’idée de « décroissance » remonte en réalité aux années 1970. « Les premiers décroissants étaient des hippies, très politiques, qui voulaient changer la société, précise Fanny Parise.

Au fil des décennies, avec les crises économiques à répétition et la prise de conscience que les évolutions sociales seraient de moins en moins possibles, une résistance à la société de consommation s’est installée. » Dans le même temps, publicités et réseaux sociaux célèbrent le minimalisme en tant qu’esthétique épurée appliquée à un mode de vie, à l’image des recommandations de la papesse du rangement Marie Kondo. « Paradoxalement, ce lifestyle autocentré, proche du développement personnel et qui a tous les codes de la société de consommation est entré en concordance avec le mouvement politique des décroissants. Cela a permis l’émergence de nouvelles valeurs sociétales selon lesquelles accumuler des objets n’est plus un marqueur de réussite sociale, détaille Fanny Parise. 

Davantage que les biens, ce sont les expériences qui ont désormais tendance à être valorisées, en lien à une quête de sens et de transcendance. »

Comme par exemple faire de la bouée licorne. Mais un mode de vie décroissant, façon sarouel chic, reste généralement le privilège de ceux qui en ont les moyens. « Il faut faire attention à ce que cela ne devienne pas un phénomène élitiste, une injonction à la créativité excluant ceux en situation d’urgence », nuance la socio-anthropologue. De même, faire reposer toute la responsabilité sur les individus ne suffit pas : « Si la réglementation ne suit pas au niveau étatique, les bonnes initiatives ne pourront pas faire société. »

En attendant le grand soir minimaliste, vous pouvez faire comme Benjamin, qui a voyagé cinq ans sans un sou, comme Hélène, qui a lâché son job de commerciale pour se mettre au zéro déchet, ou encore Aurélie, qui a quitté sa vie parisienne bien rangée pour vivre sur une péniche en Bretagne. Ils nous livrent leurs conseils et expliquent comment ils ont fait le choix radical de simplifier leur vie. Et fait en sorte que ce qu’ils possèdent ne les possède pas.

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Prendre conscience de sa surconsommation

Ouvrez un tiroir au hasard et demandez-vous ce que vous utilisez parmi les babioles que vous y trouvez. Il ne devrait pas rester grand-chose. Selon Marie-Ange Alexandre, autrice de Consommez moins pour vivre mieux (éd. Eyrolles), accumuler les objets génère du stress. « C’est souvent quand vous n’avez plus du tout d’argent sur votre compte que vous avez envie d’aller faire les magasins.

Dans une société qui juge la valeur des personnes en fonction de leurs possessions, c’est un manque affectif qui provoque l’envie de consommer. Et finalement, on culpabilise parce qu’on a encore craqué. Cela entraîne une baisse d’estime de soi. Il faut donc faire un travail sur le fait que la consommation ne remplit pas de fonction nourricière », argumente la neuropsychologue. Hélène Cloitre, 25 ans, était une consommatrice compulsive, après avoir décroché un job bien payé dans la grande distribution.

Mais son travail de commerciale fut aussi l’occasion d’une prise de conscience : « J’ai vu des aberrations ! On baisse les prix tous les ans, à moins d’apporter une innovation que personne n’a demandée. On met des promotions à 70 % pour que les gens achetent trois shampoings plutôt qu’un et en utilisent toujours plus, se remémore la jeune femme. Ça m’a dégoûtée de ce système dans lequel on est tous enfermés. Depuis, j’essaie de savoir ce que je consomme, pourquoi et d’où ça vient. »

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Trouver des alternatives à l’achat

Pendant cinq ans, de 2010 à 2015, Benjamin Lesage et deux de ses amis ont vécu sans argent lors d’un périple en autostop et en bateau, des Pays-Bas jusqu’au Mexique, puis un peu partout en France. 

« C’était un pari écologique, on voulait montrer qu’on pouvait voyager en ayant l’empreinte écologique la plus basse possible », explique le baroudeur. Il raconte son expérience dans Sans un sou en poche (éd. Arthaud). Ces années de vadrouille l’ont amené à cofonder l’écohameau Eotopia, en Saône-et-Loire, où il vit avec sa compagne, sa fille de 4 ans ainsi que cinq autres personnes.

Ils pratiquent la gratuité, en récupérant les invendus des supermarchés, en reprenant des matériaux auprès de magasins de bricolage ou de déchetteries ou en réparant les objets cassés de proches qui souhaitent s’en débarrasser. Ils mettent en commun les biens qui peuvent l’être, comme leur voiture, la cuisine, la machine à laver, et les outils. Ils troquent des services : « Tous les ans, on donne un petit coup de main à un maraîcher bio du coin et en échange il nous donne les plants qu’il n’a pas vendus. » Leur terrain leur permet enfin de cultiver fruits et légumes.

Diminuer son logement

La part du loyer ou du remboursement d’emprunt dans nos dépenses ne cesse d’augmenter. En 2010, un ménage sur deux consacre plus de 18,5 % de ses revenus à son habitation principale.

Pour certains, restreindre son habitat, en coût et en surface, est une façon de se sentir plus riche intérieurement. C’est le cas d’Aurélie Moy, ingénieure en environnement de 26 ans, qui a quitté son appartement de 115m2 dans le 9e arrondissement de Paris en même temps que son CDI l’année dernière.

Elle a déménagé sur un voilier de 6m2 amarré à Saint-Brieuc, acheté 5 000 euros, auxquels s’ajoutent moins de 100 euros par mois pour la location de la bouée de mouillage. « Avoir peu d’espace de rangement et vivre avec un minimum de possessions m’apporte une grande légèreté d’esprit. 

Ne pas avoir une garde-robe de malade fait que je ne me pose pas la question de comment je vais m’habiller. Je n’ai pas non plus peur de me faire voler si quelqu’un s’introduit sur mon bateau. L’idée de déménager ne m’angoisse pas, je peux partir du jour au lendemain avec quelques cartons. Je peux me concentrer sur l’essentiel : mes relations familiales et sociales, ce que je veux faire dans la vie… » Depuis 2017, elle développe Ty Village, un rassemblement de tiny house, ces toutes petites maisons sur roues respectueuses de l’environnement qui connaissent un succès grandissant.

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Se libérer de la technologie

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, tout mettre dans le cloud n’est pas la solution miracle pour se débarrasser du superflu. Pour beaucoup, le minimalisme s’applique aussi au numérique. Et pour cause : les flux de données sont à l’origine de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon un rapport du Shift Project publié en 2018. Et leur impact risque de doubler d’ici 2025. La pollution est aussi mentale. Le modèle économique des géants du numérique, en particulier Google et Facebook, consiste à capter notre attention et nos données pour nous vendre de la publicité toujours plus personnalisée.

Le Parisien Antoine Mestrallet, 26 ans, fait partie de ceux qui régulent leur utilisation des nouvelles technologies, sans pour autant être passé au Nokia 3310.

Il a cocréé l’application Dérive, une boussole qui laisse l’utilisateur choisir son chemin pour aller d’un point A à un point B, à contre-courant de Google Maps dont les itinéraires nous poussent à toujours accélérer.

Ses autres astuces : ne pas laisser les applications les plus chronophages (Instagram, Facebook, Twitter…) sur l’écran d’accueil de son téléphone, désactiver les notifications et avoir un réveil pour ne pas garder son téléphone dans sa chambre, la nuit. « Il y a une notion de contrôle : c’est-à-dire que j’essaie de minimiser le temps que je passe sur les écrans passivement et de ne jamais être en mode autopilote. »

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Travailler moins pour travailler mieux

Logiquement, lorsque l’on consomme moins, on a plus de temps pour faire autre chose que gagner sa vie. Quand elle s’est convertie au minimalisme, Hélène a fait une croix sur une offre de CDI payé 3 000 euros par mois, une voiture de fonction, une super mutuelle, 17 euros de tickets-restaurants par jour et un plan de carrière tout tracé. « Je me suis rendue compte que mon métier n’avait aucun sens.

Je m’épuisais du matin au soir pour que mes produits prennent plus de place dans les rayons que ceux de mon concurrent. » Alors, en 2019, elle laisse tomber son bullshit job, terme inventé par l’anthropologue américain David Graeber, disparu en septembre dernier, qui désigne ces emplois inutiles et parfois destructeurs (vous savez, ce pote dont la carte de visite indique production integrative transverse manager qui palpe 6 000 par mois pour transférer des mails). En un an, elle a passé quelques mois dans une start-up écoresponsable, avec un salaire beaucoup plus bas, puis a créé son entreprise : une conserverie antigaspillage basée au Mans, sa ville natale.

Elle cherche désormais un nouveau projet. « Je suis passée de la vie de princesse à celle de chômeuse. Maintenant je fais des rencontres intéressantes et je sais que je veux travailler de manière intelligente », dit-elle sans une once de regret.

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Etre plutôt qu’avoir

Prêts à lâcher l’appart et le mug chaton (et cette p*** de bouée licorne, bordel) ? Se libérer du système consumériste n’est pourtant pas un chemin dépourvu d’obstacles. « Cela génère d’autres contraintes qui nous nourrissent autant qu’elles sont une charge mentale supplémentaire.

Il faut prendre plus de temps, anticiper, s’organiser, trouver des solutions qui sont moins faciles ou immédiates pour faire autrement », prévient la journaliste et réalisatrice Anne-Sophie Novel, auteure de La vie share : mode d’emploi (éd. Gallimard). Hélène a aussi dû gérer le regard des autres, comme celui de ses parents qui n’ont pas compris qu’elle abandonne le confort d’une belle carrière.

Mais elle ne regrette pas : « J’ai l’impression d’être en cohérence entre ce que je pense et ce que je fais. » Même son de cloche chez Aurélie : « Je me suis débarrassée de mes dissonances cognitives. J’ai atteint une sorte d’alignement intérieur. »

Vivre avec moins permettrait de prendre le contrôle de son existence. « Grâce aux réseaux qu’on a construits autour de nous et à ce qu’on a appris à faire nous-mêmes, on a l’impression de ne pas être dépendant de l’extérieur, de ne pas avoir de tâches qu’on n’a pas envie de mener et d’avoir acquis une liberté de choix », proclame Benjamin.

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Marion

Fondatrice du blog - Solutions Alternatives

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