Tout faire soi même
DIY / Do it yourself

Faire Soi-Même L’avenir De Demain

Les levures, les sucres aromatisés et la farine. Ces trois produits ont été les vedettes de la grande distribution pendant le confinement.

Enregistrant les plus fortes progressions de vente tous produits confondus, juste derrière les gants ménagers, selon l’institut d’études de la consommation Iri. « La farine fut le produit emblématique de cette tendance du « faire à la maison » pendant le confinement. Les ventes sont en augmentation depuis des années et cela s’est accéléré à cette occasion », explique Frédéric Nicolas du cabinet Iri

. Pendant cette période 37 % des gens ont acheté des produits correspondant au triptyque « cuisine, bricolage, décoration » selon un sondage effectué pour le compte de Easycash. « Ces activités correspondent à un besoin profond de travailler avec ses mains. Elles ont eu un rôle important et permis de supporter le confinement », analyse le sociologue Ronan Chastellier fondateur de la société Tendanço.

« Le ‘faire soi-même’ correspond à toutes les activités qui se substituent à une transaction marchande », précise Philippe Moati, professeur d’économie à l’Université de Paris-Diderot et cofondateur de L’Observatoire société et consommation (L’ObSoCo).

Huit Français sur dix s’adonne à une de ces activités selon l’étude de L’ObSoCo publiée en 2018 : bricolage, culture de ses fruits ou légumes, production de confitures ou de jus de fruit, réparation de son véhicule… Et le mouvement prend de l’ampleur puisque l’an dernier 40 % des consommateurs affirmait fabriquer certains produits alimentaires ou d’hygiène contre 28 % en 2017.

Survivalisme

Les motivations des pratiquants sont diverses et entremêlées : volonté de faire des économies, souci de maîtriser l’origine des produits et souvent véritable plaisir. « Cela peut aller de la recherche de l’autonomie jusqu’au survivalisme », analyse Philippe Moati.

Quel avenir pour cette tendance du « faire soi-même » une fois sortie de cette crise sanitaire et cette période exceptionnelle du confinement ? « Le ‘faire soi-même’ semble une tendance lourde. Les gens qui étaient dans cet état d’esprit vont le garder et d’autres se sont découvert une vocation ou un état d’esprit. Cela a tout de même ses limites et le principal obstacle au ‘faire soi-même’ est celui du temps », analyse Rémy Oudghiri directeur général du cabinet Sociovision.

Internet joue un rôle majeur dans la diffusion du « faire à la maison ».

Les pratiquants fiers de leurs réalisations aiment faire partager leur passion et la recherche de tutoriels vidéos constitue le premier réflexe de ceux cherchant de l’information. En 2016 de jeunes passionnés ont créé Wikifab « une sorte de mini Wikipedia du ‘do-it-yourself’ », explique David Flipo. La plateforme regroupe quelque 500 tutoriels qu’on peut sélectionner selon quatre catégories (type, catégorie, coût et difficulté) allant de la remorque pour vélo, au système de recharge pour véhicule électrique.

Kits de prêts à cuisiner

Les entreprises se sont engouffrées sur ce qui est devenu un marché. Instructables, un équivalent américain de Wikifab créé dès 2005, a été acheté en 2011 par Autodesk le géant du logiciel de CAO. En France le monde du « faire soi-même » suscite également des appétits. En 2017 L’ObSoCo a estimé que l’ensemble de ces activités du « faire » pesait 95 milliards d’euros.

Le seul domaine du bricolage en représente une bonne partie. Et si Leroy Merlin a bien pris la vague du « do-it-yourself », en lançant très tôt des cours pour apprentis bricoleurs, l’enseigne a mal négocié le virage de l’e-commerce.

Laissant le champ libre sur Internet à ManoMano qui vient de lever 235 millions d’euros en moins d’un an et qui a profité à plein du confinement. « Nous avons doublé nos objectifs », souffle Christian Raisson, l’un des deux confondateurs.

Le marketing a aussi accompagné des tendances émergentes comme fabrication de produits cosmétiques à la maison devenue un véritable marché. Avec des boutiques comme celles d’Aroma Zone qui vendent tous les ingrédients et des robots qui permettent de transformer sa cuisine en mini laboratoire.

On a aussi vu l’apparition d’un nouveau concept avec le « prêt à cuisiner » proposé par de jeunes entreprises comme Quitoque, racheté par Carrefour , Cook Angels ou Foodette né en 2012 qui revendique 10.000 clients. Ceux-ci reçoivent chaque semaine les ingrédients et la recette de chaque plat commandé. « Pour quelqu’un souhaitant manger à la maison, de façon variée et saine avec des produits dont il connaît l’origine, la charge mentale est importante. Nous répondons à ce besoin », explique Olivier Tangopoulos, le fondateur de Foodette.

Préoccupations pour la santé et l’environnement

Dans la galaxie du « do it yourself », le mouvement des « makers » , en s’appuyant sur le numérique et notamment l’impression 3D et la culture open source, tient une place à part mais majeure.

Le mouvement qui a donné lieu à la naissance des Fablab porte en germe une révolution du monde du travail, assure Michel Lallement, professeur de sociologie au CNAM et coauteur de « Makers – Enquête sur les laboratoires du changement social » : « Ce retour du ‘do-it-yourself’ dans notre paysage productif n’est pas un hasard.

Ce mouvement makers constitue une façon de trouver une voie alternative pour le travail de demain avec des rapports hiérarchiques différents, le refus de la propriété industrielle, la libre coopération, l’autonomie et le partage des connaissances. »

Parmi les multiples causes qui jouent en faveur du « faire à la maison », on voit aussi monter la défiance vis-à-vis des produits industriels mis en cause pour leur impact sur la santé ou l’environnement. « Il y a une prise de conscience que nombre de produits vendus en magasins sont mauvais pour la santé », confirme Frédéric Nicolas de IRI.

D’autres facteurs vont jouer dans l’avenir et notamment la conjoncture. « Avec les difficultés économiques les Français pourraient avoir davantage recours au ‘faire soi-même’ », analyse Frédéric Nicolas. « Le télétravail, s’il se pérennise pourrait aussi jouer en faveur de ce mouvement », ajoute Rémy Oudghiri.

Le « faire soi-même » pourrait compter sur une autre de ses vertus. Celle de procurer du bonheur, tout simplement. C’était la conclusion de l’enquête menée par L’ObSoCo : « Le degré d’engagement dans le ‘faire’ est positivement et significativement corrélé avec le niveau de bien-être des individus.

Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, plus on ‘fait’, plus on est heureux. » Philippe Moati prédit même l’avènement d’une ère ‘du faire’ : « On vit un mouvement de transition passant d’un modèle de l’avoir basé sur l’accumulation de biens vers celui de l’être pour lequel on s’intéresse aux gens pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font.

Il faudrait même mener une politique publique et d’accompagnement pour aider les gens sur les premiers pas. »

Marion

Fondatrice du blog - Solutions Alternatives

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