La douche à recyclage d’eau réapparaît, quelques années après la disparition du dernier des trois fabricants français qui en avaient fait leur spécialité : Jedo, TES (Technique et Séduction) et Prestige Sanitaire.
A l’occasion d’Idéobain 2012, Jedo, le plus résistant d’entre eux, lançait EcoVéa, « la première douche intelligente » qui permet « d’économiser jusqu’à 80 % d’eau par an et par personne. » Dotée d’une robinetterie à commande électronique et d’un circuit fermé, elle était basée sur un bac à douche haut – à poser, à encastrer ou à habiller – intégrant un détecteur de propreté de l’eau, le système de filtration et la pompe.
Las ! L’entreprise, alors propriété du groupe hollandais Coram, fut vendue quelques mois plus tard, avant d’être emportée par l’engouement pour la douche à l’italienne, épurée, transparente, carrelée, de plain-pied… et, surtout, par l’écroulement du marché de la douche hydro, son fonds de commerce.
Bien-être vs économies d’eau
La douche à recyclage d’eau n’est donc en rien une révolution ni même une invention. C’est plutôt à une résurrection que l’on assiste, mais il est vrai sous un autre paradigme. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de profiter des bienfaits de l’hydromassage, mais de pouvoir passer plus de cinq minutes sous la douche sans se ruiner ni gaspiller d’eau, devenue précieuse…
Une douche à deux temps
Le principe de fonctionnement n’a pas changé : l’eau est d’abord évacuée normalement, le temps que l’utilisateur se soit lavé et rincé. Puis le clapet de la bonde est fermé et l’eau dirigée vers un autre circuit, fermé cette fois. Elle est filtrée, désinfectée (lampe UV) et réchauffée (de quelques petits degrés), avant d’être renvoyée dans la douchette ou la pomme de tête. Ainsi, avec moins de dix litres d’eau et très peu de kilowattheures, on peut passer sa journée sous la douche, au terme de laquelle le volume d’eau est évacué et le circuit rincé. Le principe implique une rénovation complète de la douche, nécessaire pour adapter le vidage. Photo ci-contre : la colonne de douche cyclique Ilya, commercialisée à l’été 2023 (au mieux).
Un frein à lever
Mais il y a un impératif pour l’utilisateur (en dehors de quelques consignes d’entretien, notamment des filtres) : avant de passer en mode recyclage et de profiter du plaisir de l’eau, il doit se laver. Comme à la piscine, dans la douche à circuit fermé, l’hygiène passe avant la détente.
Il y également un frein, le même depuis que le concept existe : l’impression que l’on peut avoir de se doucher avec de l’eau sale. Une impression parfois tenace, qui est susceptible de nécessiter pas mal de pédagogie pour être effacée.
Une cible à atteindre
Le produit est séduisant, mais le marché est étroit. Pour les clients fortunés, les économies d’eau ne sont pas une priorité : plus on monte en gamme, plus les débits augmentent et moins on se sent concerné. Le haut de gamme et le luxe ne sont donc pas une cible. De même que l’entrée de gamme et le niveau bas du segment confort.
Car l’objet se mérite, qui vaut 2 000 à 3 000 euros chez Ilya, hors pose, sans doute plus chez Grohe, qui va proposer une douche complète avec un système encastré, mais peut-être moins chez Ikea, dont on connaît le positionnement prix. Cela en sachant qu’avec trois cents à cinq cents euros, on dispose d’une belle colonne de douche…
La clientèle n’est donc pas si large, d’autant que, en y réfléchissant, le meilleur moyen d’économiser l’eau est de ne pas la consommer. Or, en scindant la douche en deux moments distincts, l’un dédié à l’hygiène, l’autre au plaisir, le produit encourage la prise de conscience : ai-je vraiment besoin de m’attarder sous l’eau une fois que je suis lavé ? Se poser la question, c’est déjà y répondre…
De grandes marques positionnées
Quoi qu’il en soit, dans le contexte que l’on sait, la proposition séduit à nouveau les fabricants, dont Grohe, qui va commercialiser, au printemps 2024, Everstream, système de douche à recyclage d’eau, encastré. Celui proposé par Ilya – comme « Ilya un monde nouveau à bâtir » – est, lui, intégré dans une colonne de douche.
De même que celui d’Ikea, qui est développé par Flow Loop, jeune entreprise avec laquelle l’enseigne a conclu un partenariat stratégique et dans laquelle elle a pris une participation minoritaire. Le produit, déjà testé, est en train d’être perfectionné, « jusqu’à un point où [Ikea pourra] dire à un fabricant de commencer à le produire pour le plus grand nombre à un prix abordable. »
