Comment Etre, 100% Autonome En Eau
Ce qu’il faut avoir en tête
Tout d’abord, une vue d’ensemble.
Emplacement des cuves
Le terrain a une double-pente : du Sud au Nord (très légère), et d’Est en Ouest (un peu prononcée au début, légère après ⅓ du terrain). Les cuves sont donc placées dans le point le plus bas : au Nord-Ouest de la maison.
Ça paraît évident, mais c’est toujours mieux de le préciser .
Capacité et vitesse de collecte
L’avantage avec l’eau de pluie c’est qu’elle tombe du ciel. Le meilleur moyen de la collecter, c’est via le toit.
Le toit nous offre une grande surface du fait de la géométrie de la maison et de son impact sur le terrain : un seul étage réparti en trois demi-niveaux.
Ça implique que nous pouvons récolter une grande quantité d’eau rapidement. Une surface de 70-80m² est suffisante pour être à l’aise plusieurs mois, mais plus la surface est grande, plus nous sommes assurés de remplir les cuves rapidement. Il y a donc deux facteurs à prendre en compte : capacité de collecte, et vitesse de collecte.
Le toit du couvert à voiture va également servir à collecter de l’eau de pluie. Et le toit du cabanon de jardin va quant à lui remplir les mares directement.
Nous n’avons pas poussé jusque là, surtout parce que ce n’est pas nécessaire. Le trop-plein des cuves ira alimenter les mares également.
Volume des cuves
Nous avons deux cuves de 10’000L chacune, soit 20’000L (ou 20m³) au total. C’est le modèle Carat XL de Graf. D’après nos calculs, nous pouvons tenir 3.5 mois en autonomie totale sans aucune goutte de pluie et avec les cuves à moitié pleines en attaquant une période de sécheresse.
Et le tout, sans absolument rien changer à notre mode de vie (bains, longues douches etc.). Oui, ça sonne comme un scénario apocalyptique et il est très peu probable qu’il arrive. Autrement dit, nous ne devrions pas avoir de problème d’eau. Au pire, nous arrêterons les bains et ne prendrons que de courtes douches. Pour refaire le calcul, utilisez les données des centrales météorologiques de votre région.
Trajet de l’eau de pluie
La vie d’une goutte de pluie est palpitante :
- l’eau tombe sur le toit ;
- elle ruisselle le long du toit pour arriver dans deux gouttières : une à l’Est, et une à l’Ouest ;
- les tuyaux se rejoignent côté Ouest (en bas de la maison) ;
- l’eau continue son parcours en allant dans une première cuve ;
- les deux cuves sont reliées entre elles par le fond ;
- par principe des vases communicants, l’eau va se répartir entre les deux cuves ;
- l’eau sera ensuite pompée depuis la seconde cuve pour aller dans la maison.
Potabilisation de l’eau
Ce n’est pas le sujet de cet article, mais grosso modo, voilà ce qu’il faut retenir (désolé pour le manque de sources synthétiques, nous délivrons un résumé de plusieurs mois et plusieurs dizaines de documents et témoignages analysés).
Avant d’arriver dans les cuves, l’eau est filtrée pour enlever les brindilles, le polen, les poussières, les feuilles etc. L’eau dans les cuves est donc propre mais pas encore potable selon les normes sanitaires du pays dans lequel nous vivons actuellement. Il faut donc potabiliser l’eau. Il existe 3 façons majeures de le faire :
- filtre à charbon ;
- filtre en céramique ;
- filtre à ultra violet.
Nous n’allons pas faire un tableau explicatif des plus et des moins, mais toujours grosso modo, le filtre à charbon se change 2 à 3 fois par année. C’est un intrant qui vient souvent de très loin (le plus souvent de Chine). Et il vient souvent avec des structures en aluminium ou plastique. Il est donc difficile à recycler et… nous pouvons être sûr qu’il ne le sera pas !
Le filtre en céramique est plus simple mais il a un débit très faible. Il est donc souvent nécessaire de préalablement stocker de l’eau potable avant d’ouvrir le robinet, et il n’est nécessaire de le changer que 1 fois par année.
Enfin, le filtre à ultra violet (UV) offre un débit très important (de 50 à 800L/h selon les modèles). Le filtre en soit ne se change jamais : seule la lampe UV se change. Elle coûte 20€ environ, elle se recycle très bien, certaines sont produites en Europe (Allemagne ou Autriche pour la plupart), et elle dure entre 1.5 et 2 ans.
Par mois, nous avons estimé que le filtre à UV coûte 12 fois moins cher que le filtre à charbon, et 7 fois moins cher que le filtre en céramique. Comme il offre le meilleur débit et ne nécessite aucun stockage intermédiaire, c’est la solution que nous avons retenu. Et pour les plus curieux, mensuellement la lampe UV coûte moins chère qu’une bouteille d’eau minérale.
Modification le 11 décembre 2019 : voir le carnet de bord sur Potabilisation de l’eau de pluie.
Avantages de l’eau de pluie
Petite parenthèse. Oui parce que quand même, il y a de très nombreux avantages. Pour ceux qui habitent la région : pas de calcaire ! Donc une meilleure durabilité de l’électroménager (lave-linges, bouilloires, tuyauteries diverses, robinets, toilettes, baignoires…).
Si le calcaire est absent, ça simplifie énormément les produits de ménage ! Des produits simples, naturels et facilement faisables à la maison seront amplement suffisants.
Concernant la santé, c’est un très vaste sujet, mais l’eau sera —dans la plupart des régions— de bien meilleure qualité que celle du réseau.
Le lobby autour du recyclage de l’eau est une longue histoire, pleine de surprises et de rebondissements, et nous vous invitons vraiment à vous y intéresser (sans toutefois tomber dans le complotisme : ayons une démarche rigoureuse et scientifique).
Les divers niveaux de dangerosité quant à la présence d’élément nossifs pour la santé sont variables et sont calculés à la louche selon des critères opaques.
Enfin, depuis plusieurs années nous connaissons de longues périodes de sécheresse. Les restrictions obligent les citoyens à aller prendre de l’eau en bouteilles plastiques. Au-delà du prix, c’est aussi une gêne écologique indéniable. Et nous ne parlons pas des agriculteures ou des éleveurs.
Alors que : l’eau de pluie est présente en abondance si nous savons la gérer correctement !
Quelques photos
Disposition
Les cuves sont posées sur un mélange de sable et de notre propre terre. Elles sont préalablement remplies avec ⅓ d’eau pour ne pas se déformer lors du remblayage.
Nous ne voyons malheureusement pas le raccord entre les deux cuves car il est déjà enterré.
Trajet de l’eau de pluie
L’eau arrive par le toit dans le tuyau A. Elle resort côté B. Ce tuyau sera raccordé à la cuve de droite (Sud). Les cuves sont reliées entre elles en C.
Puis, l’eau est pompée dans la cuve de gauche (Nord) pour partir dans le tuyau D qui va directement dans le local technique de la maison.
Avec une autre vue, ça donne ceci :
Gestion du trop-plein
Nous aurons au total 3 mares si nous respectons nos plans : une dans la serre, une contre la terrasse, et une grande en bas du terrain. Le trop-plein des cuves va alimenter la grande mare.
Selon la légende du schéma précédent, l’eau du toit arrive dans la cuve en B, et ressort pour aller dans la maison en D. Le trop-plein se fait dans le première cuve, en E.
Nous pouvons observer que la sortie E est légèrement plus basse que l’entrée B : cela laisse de la place pour ne pas noyer le filtre « gros-grain » et éviter que des eaux ne remontent par B. Les saletés du filtre vont également sortir en E.
Le trop-plein et les saletés sortent donc en E, et vont rejoindre un petit ruisseau artificiel qui relit la mare de la terrasse à la grande mare. C’est l’idée tout du moins !
Entretien des filtres
Nous noterons que les cuves seront entièrement enterrées. La bouche d’accès sera sous 5-10cm de terre une fois le terrassement terminé. Une fois par année, nous irons chercher la bouche de la première cuve pour l’ouvrir et nettoyer le filtre.
La suite du circuit se trouve à l’intérieur de la maison. Un nouveau carnet de bord viendra expliquer l’installation et le fonctionnement de la pompe et du filtre à UV. Après cette étape, c’est un circuit d’eau classique.
Économiser l’eau
Avant de conclure, une note sur les appareils qui consomment de l’eau. Un des objectifs de cette maison est de montrer que nous pouvons économiser des ressources à chaque endroit sans forcément changer radicalement de façon de vivre afin que ce modèle puisse être adopté par le plus grand nombre.
Où économiser de l’eau ?
Ça peut paraître surprenant mais l’eau que nous buvons ne représente qu’une très faible part de l’eau domestique, c’est à dire l’eau utilisée dans une maison. Selon Les usages domestiques de l’eau, nous apprenons que les usages en France en 2001 sont répartis comme suit :
Les postes les plus gourmands en eau sont (dans l’ordre) : la douche/bain (39%), les toilettes (20%), le lave-linge (12%), et le lave-vaisselle (10%). Le reste est inférieur ou égal à 6%. L’eau de boisson ne représente que 1% !
Nous allons brièvement détailler les grosses consommations.
La douche
Le débit d’une douche standard est d’environ 12L/minute. Le débit est tellement important que la plupart de l’eau ne touche même pas notre peau : elle glisse sur l’eau présente sur la peau. La surface couverte par une douche classique ne représente qu’une petite surface de notre corps (souvent la nuque).
Nous consommons donc beaucoup d’eau pour pouvoir couvrir tout notre corps et une grande partie est jetée telle qu’elle aux égoûts. C’est sûrement possible de trouver mieux !
Nous nous sommes intéressés aux produits suivants :
- Pour les douches en circuit fermé : Orbital Systems, et ShowerLoop ;
- Pour les douches à basse consommation : Nebia, et Cirrus.
Les douches en circuit fermé sont intéressantes mais sont gourmandes en contraintes. Les premières eaux sont évacuées mais les suivants sont réutilisées. Ainsi l’eau est économisée et plus besoin de la chauffer (ou très légèrement).
Orbital Systems offre un produit de bonne facture mais propose des filtres qui doivent être changés environ 3 fois par an.
La douche est connectée à Internet (sans blague !) et les cartouches sont pré-commandées automatiquement. C’est hors de question d’installer ça : la vie privée n’est pas respectée, pourquoi une douche doit être connectée à Internet ?, et les cartouches ne sont pas recyclées, aucune information sur leur provenance ou de leur contenu. Enfin, le prix d’une douche
Le concurrent open source et libre est ShowerLoop. Un très bon projet à suivre et à encourager, mais pas encore assez mature pour être installé partout.
Tout peut être fait à la main ou avec une imprimante 3D, c’est facilement réparable, et toute la documentation est en ligne, c’est transparent. Personnellement, nous avons beaucoup hésité à construire cette douche nous-même.!
Mais est-ce utile de mettre le curseur aussi loin ? Pas forcément. Regardons du côté des douches à basse consommation.
Cirrus est une douche à basse consommation d’eau. Ils annoncent 75% d’économie d’eau, pas mal !
C’est une entreprise française mais les produits sont fabriqués en asie (Hong-Kong d’après notre mémoire, mais nous n’avons pas retrouvé la source). Le système est très intéressant et peu cher par rapport à la concurrence. Toutefois, le modèle économique se base sur l’utilisation de capsules d’aromathérapie.
Elles ne sont pas obligatoires, mais c’est un modèle économique basé sur l’utilisation d’objets à usage unique et contenus dans une structure en plastique. Ça doit marcher très fort pour le côté marketing, mais c’est clairement à l’encontre de nos valeurs en matière de déchets.h
Nebia, voilà le produit que nous avons retenu.
C’est un projet que nous aimons depuis le début. Tout a été repensé et bien conçu. De la douche à micro-gouttes/brumes, à la vitesse de l’eau, à la température de l’eau, à l’enveloppe créée par l’eau autour du corps pour couvrir une grande surface, de la douchette… Ils annoncent une économie d’eau de 65%.
Le fait d’utiliser des micro-gouttes permet d’économiser de l’eau. La dispersion des gouttes augmente la surface de contact avec le corps.
Le débit des gouttes offrent un nettoyage (et rinçage, surtout pour les cheveux) efficace. Ce sont les trois critères importants quand nous parlons de ce type de douche.
Les toilettes
Des toilettes classiques consomment entre 6 à 12L par chasse (12L pour les USA ou l’Afrique du Sud par exemple, 8L en Europe). Nous attirons l’attention sur le fait que : (i) c’est beaucoup d’eau, et (ii) c’est de l’eau potable !
Le top serait d’utiliser des toilettes sèches, mais elles posent certaines questions et problèmes. Pour composter la matière des toilettes, il faut un composte éloigné de la maison, idéalement dans un endroit ombragé et partiellement à l’abris de la pluie, comme par exemple un petit coin de forêt.
Dans une zone villa (i.e. un quartier de maisons individuelles) ou une zone immeuble, c’est d’une part interdit et d’autre part très risqué.
Notons qu’il est possible d’utiliser des toilettes sèches à compost, c’est une autre alternative intéressante mais qui n’est pas applicable dans notre cas due à la géométrie de la maison (il faut au moins deux niveaux).
Tout le monde n’est pas prêt à utiliser des toilettes sèches.
Et comme l’objectif de la maison est d’imaginer comment optimiser les ressources sans imposer un changement radical (pour être accepté par le plus grand nombre), nous avons chercher des toilettes basse consommation en eau.
Deux produits ont retenu notre attention :
Propelair a un système pneumatique : un peu d’eau est utilisée pour former un bouchon qui sera évacué par pression de l’air. C’est un système ingénieux qui ne consomme que 1.5L/chasse, soit une réduction 6.5 fois moins d’eau en moyenne.
EcoFlush est nettement plus low-tech. Le toilette est composé de deux sorties : une pour les urines et une autre pour le reste. Les sorties sont bien placées pour jouer leur rôle respectif. Par conséquent, la petite chasse consomme 0.35L/chasse, et la grande chasse consomme 2.5L/chasse, soit une moyenne uniforme de 1.5L/chasse. La réalité est que nous utilisons bien plus souvent la petite chasse que la grosse.
Une vraie moyenne sur 168 utilisations par 4 personnes différentes montrent une consommation de moins de 1L/chasse (voir site d’EcoFlush). C’est donc au moins 10 fois moins d’eau !
Le système Propelair est —nous le rappelons— pneumatique. Il comprend entre autre une pompe à air et un couvercle étanche. Autant d’éléments qui peuvent tomber en panne ou être défectueux, et ne sont pas réparables facilement. Le système EcoFlush en revanche est très low-tech : les pannes possibles sont dans le système de chasse qui est très classique et très facilement réparable.
C’est pourquoi nous avons retenu ce modèle : nous aurons des toilettes EcoFlush.
Lave-linge et lave-vaisselle
Nous n’avons pas encore arrêté nos choix pour ces appareils. Pour le lave-linge, notre méthodologie est la suivante : observer quels sont les programmes que nous utilisons le plus souvent, et chercher spécifiquement la consommation d’eau des lave-linges pour ces programmes en particulier.
Oui, parce qu’il faut savoir que les consommations en eau et en énergie varient énormément d’un programme à l’autre, et trouver l’information relève d’une quête digne d’une odyssée grecque à chaque fois…
Pour le lave-vaisselle, nous sommes intéressés par le produit Adora de V-Zug.
Il est fabriqué en Suisse (rare !), mais il est cher. D’un autre côté, le lave-vaisselle est utilisé quasiment tous les jours. C’est un modèle qui consomme très peu d’eau, et vraiment très peu d’électricité. Ce n’est donc pas un point à négliger !
Mais nous n’avons pas encore arrêté nos choix. C’est un domaine très opaque et trouver des vraies informations est un défi.
Conclusion
Avec ce carnet de bord, nous avons pu parler un peu plus de notre modèle pour être autonome en eau :
- récolter l’eau de pluie,
- la stocker,
- la potabiliser, et
- utiliser des produits qui consomment peu d’eau, comme la douche ou les toilettes.
Le rythme de vie reste inchangé : des douches de 20 minutes sont toujours possibles ; les débits aux robinets ne changent pas ; des toilettes « classiques » qui permettent de conserver un bon rapport de voisinage etc.
Maintenant, quelques questions pour finir ce carnet de bord. Pourquoi les douches continuent à consommer 12L/min si nous savons réduire leur consommation par deux ? Pourquoi les toilettes continuent à utiliser en moyenne 10L d’eau potable ? Pourquoi ces appareils qui sont si gourmants en eau continuent à être distribués sur le marché